Rhums de Guadeloupe
Des origines à nos jours
Lorsque l’on pense au rhum, il nous vient immédiatement l’image d’un pirate enivré après une prise en mer. L’image reflète une réalité mais le rhum n’était pas propre au pirate, c’était une boisson ordinaire et bon marché élaborée à partir des restes de cannes à sucre après leur broyage. Avec les progrès de la distillation, l’eau de vie, appelée Tafia, est devenue Rhum !
La Guadeloupe produit aujourd’hui une très grande diversité de rhums, agricoles, vieux, de haute qualité, issus de différents types de cannes à sucre. C’est pour cette longue tradition rhumière que la course à la voile reliant la Bretagne à la Guadeloupe porte le nom de Route du Rhum.
La distillation du rhum et l’élaboration des punchs et cocktails à base de rhum sont présentés ici comme un patrimoine culturel et historique de la Guadeloupe et non comme un incitation à la consommation d’alcool.
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Origine du Rhum
La canne à sucre a été implantée aux Antilles par les colons espagnols et a rapidement conquis les îles de la Caraïbe. Ce sont les Hollandais, originellement installés sur la côte nord du Brésil, qui ont découvert la raffinerie du sucre. Ils l’ont importée dans les îles françaises dès la fin du XVIIe siècle, alors qu’ils étaient chassés par les Portugais pour des raisons religieuses.
Ceci a marqué le début de la culture de la canne à sucre à grande échelle dans les Antilles françaises et créé une société dirigée par les « planteurs », voir à ce sujet notre article sur l’Habitation Néron.
Quant au rhum proprement dit, il se fabrique dès le début de la colonisation espagnole dans les Grandes Antilles (Cuba, Hispaniola, Porto Rico…) et surtout sur la côte de l’actuel Mexique. Il sert de boisson bon marché pour les marins et la population pauvre ou servile car l’eau croupie rapidement sous le climat tropical. Alors que l’élite préfère les vins, le rhum est réservé au marin et bas peuple, surtout sur les bateaux ! Les pirates, forts nombreux aux Antilles du XVIe au XVIIIe siècle, s’emparaient du rhum à bord des bateaux qu’ils prenaient et donc le consommait.
Le rhum s’installe dans la production coloniale aux Antilles sous forme de boisson bon marché élaborée à partir des restes de canne à sucre. Mais la production de rhums telle que nous la connaissons aujourd’hui, s’est faite dès lors que la fabrication du sucre à partir de la canne dans les colonies a chuté dès lors qu’elle est remplacée massivement par celle à partir de betteraves en France. Dès la fin du XIXe siècle mais surtout début du XXe siècle, la fabrication du rhum prend son essor aux Antilles Françaises via la reconversion des industries sucrières en distillerie à rhum.
En Guadeloupe, comme en Martinique, le rhum agricole, ou rhum blanc, est distillée entre 50° et 55° alors que les Grandes Antilles le distille dans les 30°. Le rhum des îles françaises est essentiellement consommé en cocktails, comme le planteur et les nombreux punchs. Au cours du XXIe siècle, le rhum s’affine et on élabore des rhums vieux vieillis en fût de chênes tels les cognacs et autres de la métropole. Puis la fabrication des punchs s’industrialise et l’on voir dans le commerce apparaître des gammes de punchs fruits de plus en plus larges dans la deuxième moitié du XXe siècle. Le punch fruits local et maison reste toujours en vigueur de nos jours et on le trouve sur les marchés de produits locaux.
Des rhums vieux, des punchs originaux, des millésimes, du rhum bio apparaissent depuis le début des années 2000 en Guadeloupe. Les distilleries ont toutes évoluée vers une grande diversité de rhums à partir de différentes cannes, de différents types de fûts, etc. L’offre en matière de rhums en Guadeloupe est aujourd’hui très variée et haute gamme.
Fabrication / Élaboration du rhum
Il existe deux méthodes d’élaboration du rhum, à partir de la mélasse ou à directement à partir du jus de canne.
- A partir de la mélasse : c’est l’origine du rhum.
La mélasse est le résidu solide qui n’a pas été évaporé à partir du jus de canne lors de la fabrication du sucre. C’est avec ses « restes » que l’on a créé les premiers rhums dans les Antilles. Cette méthode existe toujours dans les méthodes dites espagnoles et anglaises. - A partir du jus de canne : il s’agit du rhum agricole. Cette méthode est dite française, la canne sert directement à la distillation du rhum. Les rhums de Guadeloupe sont élaborés par cette méthode.
Distillation du Rhum
La méthode ne diffère pas des autres alcools. Il s’agit de passer le jus dans un alambic afin d’en extraire une eau de vie. Pour simplifier, il s’agit d’extraire un alcool pur, comme une huile essentielle, par évaporation. Procédé connu des Égyptiens, transmis par les Grecs puis affinés par les Arabes.
La première version du rhum élaboré depuis les jus de canne vient, a priori, du Brésil au XVIe siècle, par un alambic simple. Puis, le Père Labat introduit aux Antilles des alambics à double distillation. Au XIXe siècle, la colonne à distiller fait son apparition dans l’industrie de l’alcool et permet de passer à une production plus industrielle, stable et de bonne qualité.
Les méthodes et les outils de distillation du rhum sont très variés, tout comme l’affinage des rhums vieux.
Les Rhums
Rhum agricole (rhum blanc)
Pendant longtemps, le rhum agricole, ou rhum blanc, a dominé le marché en Guadeloupe. Cet alcool sert à conserver des vins, comme le Porto, à fabriquer des punchs, ou rhums arrangés. Les rhums agricoles de Guadeloupe ont été et sont toujours de très bonne qualité.
Rhum vieux, ambrés et millésimes
Les rhums vieux, à partir de 6 ans de vieillissement, ont d’abord suivit un procédé simple de vieillissement en fût de chêne en provenance de métropole. Les rhum ambré et paille sont des intermédiaires entre le blanc et le vieux, vieilli pendant 3 ans.
Depuis une vingtaine d’années, l’art du vieillissement est monté en gamme avec l’apport de fûts de whisky des USA, de Grande-Bretagne ou d’autre type de fûts. Les maîtres de fûts se sont formés à toute sorte de techniques. La diversité de rhums vieux est autant dû aux différentes distillations qu’aux différents vieillissement. Sont apparus des rhums XO (Extra Old), VO (Very Old) et VSOP (Very Special Old Pale) vieillis entre 3 et 6 ans. Pour un millésime, la durée se situe entre 15 et 70 ans !
Recettes à base de rhum
Planteur
Le planteur est le cocktail à base de rhum par excellence aux Antilles françaises.
La recette de base se compose ainsi : pour une unité, il y a ¼ de rhum agricole, ½ jus de goyave ½ jus d’orange (variante avec ananas, ou passion selon saison), un jus de citron vert, la lime, agrémente le tout.
Si vous préparez votre planteur en bouteille, ajouter une gousse de vanille fendue, laissez maturer une semaine en remuant régulièrement.
Planteur
Le ti punch, est le plus célèbre des cocktails à base de rhum aux Antilles Françaises, mais également le plus fort car il est élaboré et immédiatement consommé à 50° ou 55°. Mélangé du sucre de canne à ¼ de citron vert (lime) juteux. Mélanger ensuite avec le rhum agricole ou vieux pour ceux qui ont des goûts plus luxueux. Le sucre se remplace facilement par du miel.
Punchs fruits
Les punchs sont aussi variés qu’il y a de fruits en Guadeloupe !
L’élaboration d’un punch à l’antillaise prend du temps. Fruits, rhum agricole et sucre de canne compose le punch fruit. Le sucre peut être remplacé par du sucre de canne ou du sirop de batterie (autre produit issue de la canne à sucre).
Une fois votre mélange réalisé dans une bouteille, fermez-la et exposez-la au soleil pendant une à deux semaines jusqu’à une teinte brune du liquide. Ensuite, laissez la maturation continuer pendant une à deux semaines hors du soleil avant de consommer. Les degrés d’alcool descendent à 40° environ, voire en dessous plus la maturation est longue.
Une variation de punch célèbre et consommer à la période de Noël est le shrubb, élaboré avec des écorces d’orange séchées et du café. Le procédé de maturation est le même que celui des autres punchs.
Le saviez-vous ?
Etymologie de Rhum
Le nom est d’origine anglaise, Rum, abrégé de Rumbullion, premier nom du Rhum. Rumbullion vient du terme normand Rond-Bouillon qui désignait la distillation des alcools blanc et du cidre.
Les Normands sont les premiers français à s’engager dans le nouveau monde par la flibuste (corsaires et pirates) dès le XVe et XVIe siècle, et dans la colonisation officielle française à partir du XVIIe car le port d’attache de l’époque est celui du Havre.
Punch versus Rhum arrangé
Le terme rhum arrangé vient de l’île de la Réunion et a tendance à remplacer, même aux Antilles, le terme punch. L’élaboration est sensiblement la même, sauf que certains rhums arrangés sont consommés sans un procédé de maturation long.
Le nom du punch trouve son origine en Inde et nous ai parvenu via les Anglais. En hindi, le terme panch signifie «cinq», correspondant au nombre d’ingrédients d’origine : tafia (eau de vie), sucre, jus de fruits, cannelle et thé.