Gwadaplans – Le guide découverte de la Guadeloupe

Pirates, un vent de liberté

Pirates des Caraïbes

Aventuriers enivrés de rhum, sans foi ni loi, l’image des pirates des Caraïbes qui écument la mer pour prendre d’assaut les navires remplis de trésors des Amériques n’est pas loin de la réalité.

Ils ont été nombreux et ont réalisé de véritables exploits pendant trois siècles laissant derrière eux des histoires, des personnages célèbres, des récits parfois fantastiques qui continuent de nourrir notre imaginaire. Grâce à de nombreux écrits et traces de leur passage, il nous est facile de bien les connaître.

Aventures et liberté, c’est ce qu’il ressort de leurs vies tumultueuses, pas de nation, pas de classes sociales, pas de racisme, tous unis dans une vie hors du commun.

Quand tout a commencé

Carte de la piraterie au XVIIe siècle

Cette carte représente une vue d’ensemble des situations des colonies des royaumes, des bases des pirates et les principaux sacs des villes côtières. Les possessions coloniales changent au cours du temps.

La piraterie dans la Caraïbe a un début, celle de la découverte de l’Amérique par les Espagnols. L’église catholique partage le monde entre deux grands royaumes européens, l’Espagne et le Portugal. France, Angleterre et Pays-Bas, autres grands royaumes sont en reste de ces nouvelles terres et leurs trésors qui viennent enrichir leur voisin.

Les rois décident donc d’envoyer des équipages pour du commerce mais surtout pour attaquer et piller les navires en mer. Ces équipages sont appelés corsaires possèdent une lettre royale légalisant leurs courses et prises en mer.

Ces hommes finissent par demeurer dans la Caraïbe et rapidement agissent aussi pour leurs propres comptes. Ils deviennent des pirates !
Soldats déserteurs, esclaves en fuites, viennent gonfler leurs rangs des aventuriers ; c’est tout une communauté qui se met en place.

Vocabulaire

Pour bien comprendre nos amis les pirates, il est nécessaire de bien comprendre le vocabulaire utilisé à l’époque. Ce sont des flibustiers : de corsaires, il deviennent pirates. Sur terre, ils sont boucaniers. Ils vivent par deux, parfois trois, en matelotage.

Flibustier

Flibustier est le terme usité dans les Antilles à l’époque de la piraterie. Emprunté au néerlandais vrijbueter, devenu flibutor en anglais, comprendre « libre de faire un butin ». Flibustier est utilisé par le père DuTertre dans sa relation du 1667. Pirate prendra le dessus par la littérature et la définition de l’ensemble de l’activité dans le monde.

Pirate

Dérivé du grec peiratès qui signifie « l’entreprenant » ou « celui qui fait fortune » puis passé au latin pirata, Pirate est le terme général utilisé pour parler de ces aventuriers des mers qui attaquent les bateaux pour prendre leur cargaison. La piraterie aux Antilles a connu un âge d’or sur trois siècles, entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle.

Pirates des Caraïbes évoquent beaucoup de visions qui sont bien fondées, d’autres plus fantasques.
L’équipement du pirate se compose d’un fusil -le plus important-, d’un sabre et/ou de couteaux à la ceinture.

Corsaire

De l’Italien corsaro, dérivé du latin cursus, le corsaire est celui qui « part en course », terme marin utilisé pour les échanges comme la prise en mer. Les corsaires dans l’histoire de la Caraïbe désignent les aventuriers qui font la course en mer pour leur roi.
Les corsaires ont été envoyés par les couronnes d’Europe (Hollande, France et Angleterre principalement) pour piller les navires espagnoles et portugais des richesses du « nouveau monde » dont ils étaient privés. Ces corsaires se sont toutefois installés dans les Caraïbes et partaient en course autant pour leur compte que celui de leur royaume.

Matelotage

Pirates et boucaniers, qui sont souvent les mêmes personnes, se mettent par deux, parfois trois, partagent leurs biens, se jurent protection mutuelle, pour soit partir en course dans une expédition pirate ou établir une plantation sur les nouvelles colonies. Une fois que les royaumes de France et Angleterre ont débuté leur colonisation, ils se sont accordés pour mettre fin à la piraterie notamment en tentant, avec plus ou moins de succès, de faire des boucaniers/pirates des planteurs.

Boucanier

Les boucaniers sont des chasseurs libres sur les îles des Antilles. Ils sont largement décrits dans les relations de voyage dès le XVIIe siècle. Les boucaniers gonflent les rangs des pirates lors des formations d’équipage. Leur mode de vie est dédié à la chasse aux bœufs ou sangliers. Ils vivent en camp et chassent les animaux pour en faire peaux et viandes qu’ils vendent dans les bourgs.

Les boucaniers français chassent aux chiens et au fusil.  Les témoins rapportent plutôt des tueries d’animaux, car ils tuent tout ce qu’ils trouvent mais ne prennent que peu d’animaux pour leur besoin. Les boucaniers espagnoles envoient les chiens rabatteurs puis chassent l’animal encerclé à cheval avec une lance, dans la tradition des Matadors.

Leur vie spartiate est cependant organisée et codifiée. Les boucaniers français opèrent essentiellement dans les Grandes Antilles, en particulier sur la partie ouest de l’île d’Hispaniola, qui deviendra Haïti.
Les boucaniers sont décrits par les chroniqueurs comme des sauvages malpropres. Ils ne portent qu’un pantalon court au niveau des genoux, une chemise usée, des couteaux à la ceinture, de chaussure en cuir issue de leurs chasses, parfois un bonnet et sont couverts de sangs séchés.

Illustration du Boucanier et du Boucan

Boucan

Le mot boucan est amérindien de la Caraïbe. C’est une méthode de fumage de la viande afin de la conserver. La viande est suspendue dans un cabanon. En dessous, on entretien des feux pour enfumer la viande. D’après le témoignage d’Exmelin, la viande est bien meilleure lorsque l’on ajoute peaux et os des animaux au feu.

Aujourd’hui, on consomme des poulets boucanés au bord des routes de Guadeloupe. La technique est issue de deux méthodes amérindiennes : le boucan et le barbecue. Il s’agit d’un barbecue fermé avec une cheminé ou la viande est fumée à l’intérieur. Beaucoup de lieudits portent le nom de Boucan en Guadeloupe et dans toute la Caraïbe.

Les Frères de la Côte

Pour la plupart Français, les Frères de la Côte constitue une communauté avec pour base l’île de la Tortue qui borde la colonie espagnole d’Hispaniola. Sur terre, ils sont boucaniers, chassent les bœufs et cochons sauvages principalement à l’ouest d’Hispaniola. Ils ont un code précis. Le capitaine est élu, le partage des richesses est établi entre tous.

L’équipage va par deux hommes, en matelotage. Les butins sont partagés à peu près équitablement. Les blessures ont un tarif de compensation précis, par exemple, 100 écus ou 1 esclave pour un bras perdu, 600 écus ou 6 esclaves pour les deux jambes, etc. Le capitaine est élu et tous le suivent sans discuter.

Pirates à l’assaut d'un navire
Pirates à l’assaut d'un navire

Les punitions pour ceux qui ont tenté de cacher un butin pour leur propre compte sont aussi codifiés. On laissera un homme seul sur une île déserte pendant des mois, parfois on lui coupe les oreilles et le nez.

Malgré les belles prises qui auraient fait la richesse de l’équipage, les pirates ne cherchent pas à s’intégrer dans la société. Ils dépensent leurs butins rapidement en boisson, jeux et tous plaisirs à leur portée. Une fois ruinés, ils cherchent à nouveau la course dans un équipage. Ceux qui ont vécu parmi eux, comme en témoigne Exmelin ou même à sa façon le Père Labat, les décrivent comme peu enclin au travail, préférant utiliser les soldats et esclaves capturés pour la cuisine, les lavages, les réparations de navire, etc.

Pirates apatrides

Henry Morgan, sac de Panama
Henry Morgan, sac de Panama

Les pirates des Caraïbes se sont affranchis de toute nationalité, de toute origine sociale, de tout « race ».

Hollandais, Français, Anglais, esclaves, Amérindiens, déserteurs portugais et espagnoles, métis en tout genre, s’unissent, apprennent les langues des uns et des autres et partent aisément pour de simple course ou des attaques d’envergure sur des villes coloniales.
Même les rares femmes pirates sont intégrées à égalité. Les pirates prennent les bateaux au port pour leur propre compte, attaques en mer, pille les villes côtières. Pour les sacs de grands ports, ils s’associent en grand nombre. Les prisonniers sont rendus contre rançon ou sauf-conduit.

Illustration de la prise d’un navire espagnol par le pirate Pierre Le Grand. Le pirate pris par surprise un navire armé avec un poignée d’hommes et une barque. Il surprit le capitaine en train de jouer aux cartes.

Liberté oui mais aussi violence

L'Olonnais arrache le coeur d'un prisonnier vivant
L'Olonnais arrache le cœur d'un prisonnier vivant

La piraterie est un monde violent, au quotidien, ce sont des hommes qui vivent de la violence, une chasse animale sans merci, une chasse aux trésors impitoyable. Les premiers à témoigner intimement de cette violence, pas leurs écrits et rapports, sont parmi les colons et les religieux qui les accompagnent. La colonisation fait appel aux engagés, une main d’œuvre meilleur marché que les esclaves car ils ne coutent que le voyage et un trousseau sommaire. Ils doivent travailler trois ans (sept ans chez les Britanniques) pendant lesquels ils sont asservis, mal traités, laissés pour mort quand ils sont malades, parfois tués pour un rien.

Les boucaniers prennent des engagés comme les colons. Les engagés qui survivent deviennent boucaniers ou pirates, les autres colons.

Les pirates issus de l’engagement sont très violents. Le pirate l’Olonnais, ancien engagé fini par devenir sanginaire. En Guadeloupe, un ancien engagé, dont la violence est rapportée comme inouïe, se vante d’avoir tué 300 de ses engagés à titre de revanche sur le traitement qu’il a lui-même reçu.

Ce n’est qu’un exemple qui ne fait que montrer que la violence engendre la violence et que c’est, malheureusement, une des constituantes de la colonisation.

De pirates à colons

Habitation Sucrière des Antilles
Habitation Sucrière des Antilles

Dès lors que la France et l’Angleterre établissent des colonies terrestres les deux royaumes s’entendent pour mettre fin à la piraterie, qu’ils ont créée… Nos pirates sont maintenant pourchassés par les autres royaumes qui deviennent aussi leurs proies. Une immense chasse en mer les uns contre les autres fourmillent dans la Caraïbe.

Les royaumes tentent d’en faire des colons en leur offrant des amnisties et des terres et font arriver des femmes pour les marier. Certains s’établissent, toujours par matelotage, mais l’appel de l’aventure les reprend souvent. En Guadeloupe, en Martinique, en Hispaniola, à Saint-Christophe, beaucoup de ces pirates deviennent colons et leurs descendants sont présentes dans les îles de nos jours.
Les derniers pirates fuient la Mer des Caraïbes pour les côtes du Brésil moins protégées où rentrent les navires portugais vers l’Europe et espagnols via le dangereux cap Horn.

C’est ainsi que se termine la piraterie, dans la colonisation et l’économie de plantation. Le modèle sociale se calque sur celui des royaumes avec ces classes sociales déterminées par la naissance, de l’aristocratie à l’esclave, en ajoutant une ségrégation par couleur de peau dans les différentes couches.

Le vent de la liberté a été remplacé par celui du capitalisme !

Quelques célèbres pirates de la Caraïbe

Diego "le mulâtre"

Diego "le mulâtre"
Portrait imaginé de Diego

Fils illégitime d’un capitaine hollandais et d’une esclave africaine (ou amérindienne), Diego passa quarante ans de sa vie dans la piraterie et deviendra un cauchemar pour les Espagnols. Il est l’un des pirates les plus célèbres de son temps.

Il aime narguer les autorités, joue de la guitare pour son équipage. Il se marie, vie une vie luxueuse grâce à ses nombreuses prises et reprend la mer. Il est basé sur les côtes du Honduras sur l’île de Guajana. Il participe au sac de Campêche avec l’expédition de Morgan. Il prend l’île de Curaçao aux Espagnoles pour le compte des Hollandais. Lorsque les Hollandais font la paix avec l’Espagne, il s’allie aux Français de l’île de la Tortue. C’est ainsi qu’il mena sa vie, entre flibusterie au service d’un royaume et ses propres prise et pillages.

Henry Morgan

Henry Morgan, corsaire et pirate
Portrait imaginé de Diego

Jeune gallois engagé sur les bateaux pour la Caraïbe, Henry Morgan devient corsaire, pirate et gagne en notoriété. Fin stratège, ses réussites le mène à son grand exploit final, la mise à sac de Panama. Il exerce son autorité avec violence sur ses équipages afin de distiller la peur. Il réunit une grande armada de pirates anglais et français, met en place une logistique avec des bateaux ravitailleurs et une communication par pavillon. La bataille débute en mer le 28 janvier 1671, après la victoire en mer, les pirates prennent la ville et mettent à sac tout ce qu’ils y trouvent pendant trois semaines. Morgan et quelques-uns de ses proches fuient avec une belle part du butin.

Il s’installe et se marie à la Jamaïque, île anglaise, et y sera nommé vice-gouverneur mourra en riche planteur sans enfant.

François L’Olonnais

François l'Olonnais, pirate sanguinaire

François l’Olonnais arrive aux Antilles comme engagé auprès d’un planteur. Il est ensuite attiré par la vie des boucaniers qu’il rejoint pendant quelques années puis se joint aux équipages de pirates.
Il se fait une réputation et, avec un autre flibustier, Michel Le Basque, il entreprend la prise de Maracaïbo (dans l’actuel Venezuela). La mise à sac dure six semaines. A la suite de cet exploit, il rassemble un immense équipage et écume les côtes du continent et des îles rasant tout sur son passage, notamment les villages Amérindiens, et traitant les Espagnoles avec une grande cruauté (langues et têtes coupées, cœurs arrachés, …).

Ses butins se font de plus en plus en faibles pendant que les Espagnols en font leur ennemi public numéro un. Délaissé par ses équipages, il s’échoue sur une côte où il est capturé et tué par des Amérindiens.

Edward Teach, Barbe Noire

Ewdard Teach, Barbe Noire
Portrait imaginé de Diego

Ses origines ne sont pas claires mais ses exploits sont légendaires.
Il n’est pas un homme grand et massif comme décrit par la littérature, il est de taille moyenne et très fin. Il ne se lave pas ni ne change ses vêtements, il cultive une image patibulaire de sa personne. Il fait ses débuts comme corsaire de la reine Anne d’Angleterre puis devient pirate dans la Caraïbe et commence ses commandements sous la tutelle d’un autre pirate, Hornigold qui lui confiera une prise française, le navire Le Concorde, qu’il rebaptise le Queen’s Anne Revenge.

En 1718, il quitte la Caraïbe et son « tuteur » avec 4 navires et 300 hommes pour la côte d’Amérique du nord où il n’appréhende pas moins de 40 navires anglais. Fortement recherché, il est pris au mouillage en Caroline du Nord par le lieutenant Maynard envoyé par le gouverneur de la Virginie. Un combat à mort débute contre lui, multiples coups de pistolets et de couteaux, il finit par tomber au compte de 25 blessures. Son trésor caché n’a pas été trouvé.

Femmes pirates : Mary Read et Anne Bony

Anne Bony et Mary Read, femmes pirates

Ces deux femmes, la première anglaise, l’autre irlandaise, deviendront des pirates de la Caraïbe par des successions d’événements.
Les deux femmes se déguisent en homme et opèrent dans la marine. Anne Bony est la compagne du pirate Jack Rackham lorsque Mary Read les rejoint. Elle finit par avouer sa féminité et les deux femmes se font acceptées comme telle par l’équipage.

En 1720, le gouverneur de la Jamaïque envoie une expédition pour capturer cet équipage de pirates. Le capitaine Rackham est tué, l’équipage se rend mais les deux femmes résistent. Elles sont faites prisonnières et échappent à la pendaison en prétendant être enceinte. Mary Bread meurt en prison rapidement de maladie. Anne Bony finit par être graciée mais on ne sait pas ce qu’elle est devenue par la suite.

Place à l’imaginaire !

Ces pirates, leurs exploits, leur mode de vie, leurs trésors (prétendus ou réels), leur apparence, ont laissé place à de nombreux récits, images, films, documentaires, recherches, jeux vidéo et fiction hollywoodienne. La créativité autour de leur souvenir est sans cesse renouvelée.

Sources documentaires et fictions

L’histoire des frères de la Côte est le recit précis et vécu indispensable à tous ceux qui veulent vivre l’aventure des pirates.

Alexandre Olivier Exmelin

Archéologue spécialisé dans la marine et en particulier les Antilles, Jean-Pierre Moreau nous propose dans cet ouvrage une histoire des pirates des Caraïbes à partir de tous les documents connus à ce jour.

L’île aux Trésors est le premier roman de fiction fondé sur les pirates de la Caraïbe. C’est un indispensable du genre.

Une histoire des pirates, un peu romancée parfois, mais bien fondé sur des faits historiques.

L’île aux Trésors est le premier roman de fiction fondé sur les pirates de la Caraïbe. C’est un indispensable du genre.

Le premier volet de Pirates des Caraïbes montre le mieux l’esprit de la piraterie et de la colonisation anglaise, outre les éléments fantastiques.

Jeu d’escape room à domicile, une vision moderne de l’île aux trésors

Nouvelle version du célèbre jeu d’aventure des pirates Monkey Island pour PC et en Stream.